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Les Rroms, l’Europe et nous.

8 avril, Journée mondiale du peuple rrom

Publié par MAN, le 8 avril 2014.





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Pour fêter l’arrivée des beaux jours, au début du mois d’avril, ils sortaient les chevaux décorés pour l’occasion, dans une ambiance festive. Choisie comme symbole de l’émancipation, la date du 8 avril est devenue, ainsi, la Journée mondiale du peuple rrom, au cours de la fondation de l’Union Romani Internationale, à Londres, en 1971. Elle renvoie à l’image de l’arrivée de la belle saison, de la sortie joyeuse des chevaux et d’un mouvement d’affirmation du peuple rrom. C’est à cette date que les Roms se sont dotés d’un hymne et d’un drapeau. Les Roms, présents dans la plupart des pays d’Europe, n’ont pourtant pas d’État, et n’en revendiquent pas.

La journée internationale des Roms est un moment important pour la reconnaissance de leur culture, (le rromanipen ou romanitude), et pour rappeler leur histoire, particulièrement marquée par l’holocauste, la tentative de génocide perpétrée par l’État nazi, dont ils ont été victimes pendant la seconde guerre mondiale (le samudaripen). Elle est aussi l’occasion de protester contre le fait que dans toute l’Europe, de nombreux Roms sont encore, aujourd’hui, discriminés, marginalisés, parfois persécutés. Rroms, Tsiganes, Manouches, Gitans, Bohémiens, etc, ces noms renvoient, dans l’imaginaire des Français, à une population nomade. Pourtant, la plupart de ces communautés sont sédentarisées et seule la fuite et le besoin de travailler sont à l’origine de leurs déplacements.

Le 25 mai nous élirons, en France, nos députés européens. Le Parlement ne compte, actuellement, au cours de la session 2009 – 2014, qu’une seule députée européenne d’origine Rrom, une Hongroise, Lívia Járóka. Durant la session précédente, (2004-2009), les Rroms avaient deux députées, Lívia Járóka et une autre députée européenne de Hongrie, Viktória Mohácsi. Qu’en sera-t-il pour le mandat 2014-2019 ? Présenter des candidats rroms n’intéresse pas les partis politiques et leur fait craindre de mauvais scores.

Et pourtant !

Les Rroms sont, depuis le XIVe siècle, au moins sept siècles, parmi les premiers des Européens, l’un des peuples constituants de l’Europe, alors que l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie n’existaient pas encore !

Les Rroms forment un peuple intrinséquement européen (90% d’entre eux vivent en Europe).

Les Rroms sont des marqueurs d’Europe, présents dans les 28 États de l’Union européenne mais aussi à l’extérieur, (ils sont nombreux aussi en Turquie, en Albanie, en Macédoine, au Kosovo, en Serbie, en Moldavie, en Ukraine, en Russie...).

Les Rroms constituent, actuellement, la plus nombreuse de toutes les minorités culturelles en Europe, sans doute plus de 15 millions de personnes.

Les Rroms ont connu, en Europe, le plus long des esclavages, dans les deux provinces moldave et valaque (qui feront partie de la Roumanie), pendant un demi-millénaire, jusqu’au milieu du XIXe siècle, plus longtemps que l’esclavage transatlantique.

Les Rroms ont une histoire devenue la nôtre : ils ont subi, avec les Juifs, un génocide, par la volonté politique du IIIe Reich dans les camps d’extermination ou le fond des forêts, comme ce fut le cas enYougoslavie. Cet événement européen est pourtant à peine commémoré !

Sans être méthodiquement assassinés, comme dans les camps de la mort, en Autriche et en Pologne notamment, les Rroms ou Tsiganes ont pourtant, en France, durant la seconde guerre mondiale, été enfermés par le gouvernement français, dans des camps d’internement où beaucoup sont morts de froid, de faim, de maladies multiples. Les survivants n’en sont sortis qu’après mai...1946 !

Parmi les 20 000 Rroms étrangers vivant aujourd’hui en France, pour la plupart Roumains ou Bulgares, (trois dix millièmes de la population résidant dans notre pays, un vingtième des Français dits -à tort- « gens du voyage »), les adultes ont, en principe, le droit de voter aux élections municipales et européennes. Ils useront rarement de ce droit à cause des difficultés administratives d’inscription ou de domiciliation et la conviction que cela ne modifierait pas leur sort !

Les Rroms se pensent Européens d’abord, puis ressortissants du pays où ils vivent, à l’inverse des citoyens des États membres, Européens parce qu’appartenant à un pays membre de l’Union. Leur concept de « nation sans territoire compact », d’ethnie sans État, de communauté unie dans sa diversité transnationale, interpelle les instances de l’Union européenne qui ne peut aborder ce problème politique majeur sans créer des dissensions entre les États.

Les Rroms sont entrés nombreux dans l’Union avec les nouveaux États de l’Est (dix en 2004, deux en 2007, encore un en 2013 : la Croatie). Notre conception de l’Europe se trouve interrogée. La Turquie, si elle rejoint l’Union dans l’avenir, compte, dans sa seule province de Thrace, au Nord du Bosphore, plus d’un demi million de Rroms. Tous les États des Balkans, candidats à l’entrée dans l’Union, et en particulier la Serbie, sont concernés !

En résumé, l’Europe ne se pense qu’avec les Rroms. Le débat électoral qui va s’engager tiendra-t-il compte de cette évidence ? On peut, sans doute, en 2014, faire « comme si » les Rroms n’étaient ni présents en Europe, ni associés à notre histoire multi centenaire, mais, tôt ou tard la réalité resurgira et s’imposera. La prudence voudrait qu’on ne laisse pas s’enflammer la romaphobie, le racisme antitsigane qui peuvent nourrir, bientôt, d’autres dangereuses xénophobies pourrissant la vie en société. C’est une priorité européenne que les débats prochains peuvent fournir l’occasion d’aborder avec clarté et vigueur.

Jean-Pierre Dacheux
Le 8 avril 2014